Paul Kaul
Un grand maître de la lutherie
Paul Kaul
Un grand maître de la lutherie
PAUL KAUL : UN GRAND MAÎTRE DE LA LUTHERIE
«…Kaul se place en tête, non seulement de toute la lutherie,
mais de celle de tous les temps.»
LUCIEN CAPET
Paul Kaul, ce célèbre luthier français, né à Mirecourt, le 12 décembre 1875 et mort au Vésinet le 31 décembre 1951, mena une lutte incessante contre les préjugés voulant que la lutherie moderne ne puisse rivaliser avec les instruments anciens. Ce n’est pas qu’il méprisait la valeur des anciens authentiquement de grande classe, mais plutôt a-t-il voulu prouver que certains maîtres luthiers modernes peuvent égaler sinon surpasser les grands maîtres anciens. Une telle attitude ne manque pas de lui valoir des inimitiés, voire des haines tenaces. Mais faut-il s’empresser d’ajouter qu’il s’est aussi toujours trouvé à ses côtés de fervents admirateurs et des défenseurs ardents.
Pour résumer brièvement la carrière de Paul Kaul, mentionnons que dès l’âge de 13 ans, il construit déjà, pour le compte de ses employeurs, de deux à trois violons par semaine. Quelques années plus tard, il remporte le Premier Prix de physique acoustique et de chimie des vernis, lors d’un concours organisé par le Ministère de l’Instruction publique de France (1893). Il n’avait pas encore ses 18 ans. Après avoir été employé successivement chez Thibouville-Lamy, Sylvestre et Maucotel et Villemin-Didion, Paul Kaul décide de s’installer à Nantes en 1907.
Ce n’est qu’en 1928 que Kaul vint se fixer à Paris où il fait la connaissance de Georges Enesco qui lui commande un violon, seul instrument qu’il jouera par la suite dans tous ses concerts. Quelques mois plus tard, Yehudi Menuhin acquiert lui aussi un Kaul dont il fait mention, en ces termes, dans une lettre datée du 11 août 1933, adressée au Dr Jean Persyn, collectionneur d’instruments Kaul : «J’en ai un qu’il a construit pour moi, qui sonne à merveille et je suis sûr que dans le futur ces violons occuperont une place importante!»
Compte tenu de sa forte nature, de son tempérament fougueux, de son talent exceptionnel et de ses grandes ambitions, il est facile d’expliquer que la production de Kaul en soit une des plus importantes. Sans s’attarder plus qu’il ne le faut sur les détails techniques et les caractéristiques de ses instruments, il est cependant à souligner que Kaul possédait à fond la connaissance des bois et la qualité de leur timbre, d’où ses succès répétés dans la construction des tables dont l’architecture des voûtes et les épaisseurs sont en majeure partie responsables de cette magnifique sonorité kaulienne. Un autre facteur déterminant consiste à avoir su donner le renversement et le réglage barre/âme qui conviennent le mieux à chaque instrument. Et, bien que le vernis n’ajoute rien aux qualités vocales d’un violon, d’un alto ou d’un violoncelle, il n’en demeure pas moins que Kaul a si bien harmonisé couleurs, dégradés et reflets que ses vernis sont une flatterie pour l’oeil en même temps qu’une coquetterie pour l’instrument, dont le «secret» tient avant tout des dons de l’artiste.
La première période qui va jusqu’en 1919, comprend toute la série des spécimens construits en grande partie sur des patrons Stradivarius, Amati, Guarnerius. Ce sont des instruments de cette époque qui ont gagné les concours de Sonorité de 1910 et 1912.
La deuxième période commence en 1919 avec le modèle «Lucien Capet». Il s’agit d’instruments de plus en plus personnalisés dont le registre étendu, l’homogénéité, la puissance et le moelleux en font de purs chefs-d’oeuvre.
La troisième période qui se situe depuis 1928, marque le début du modèle dit «3ème époque». Cette catégorie comprend tous les instruments qui n’ont pas suffisamment satisfait le Maître pour les cataloguer dans l’un ou l’autre des modèles baptisés.
À partir de l’année 1940, depuis sa retraite du Vésinet, Kaul crée une nouvelle série dénommée Paul Kaul fils, en hommage à son fils, violoniste qui l’assista dans l’expérimentation et le réglage de tous les instruments sortant de son atelier.
À noter que depuis 1919, en plus d’être indiqué sur les étiquettes : Modèle que j’ai créée spécialement pour Lucien Capet ou Georges Enesco ou Yehudi Menuhin ou Paul Kaul fils, chacun des instruments inclus dans ces séries porte un nom de baptême qui lui est propre, par exemple : Paul Kaul - «Grieg» - Modèle que j’ai créé spécialement pour Lucien Capet – no 57 – Nantes 1925. Aussi, il y a lieu lieu de préciser que sur chacun des fonds et chacune des tables supérieures, Kaul à ajouter 2 signatures à l’encre et 2 marques au fer. De même, à partir de 1919, tous les violons qui ne portent qu’un numéro d’ordre, sont reconnus par Kaul lui-même comme étant , subjectivement, un peu en deçà de la qualité des instruments inclus dans les grandes séries. Cependant, cette remarque ne s’applique pas aux instruments de la première série qui, eux-mêmes, ne portent qu’un numéro d’ordre. Quant aux instruments qui portent l’étiquette «Atelier Paul Kaul», ils doivent être considérés comme apocryphes, bien qu’ils aient été remis en bon état à l’atelier de Paul Kaul. En conclusion, il est peut-être utile de préciser qu’en plus de posséder une personnalité qui lui est propre, chacun des instruments Paul Kaul peut aussi se classer soit dans la catégorie des instruments au son ouaté, soit dans la catégorie des instruments au son plus éclatant «capables de dominer les grands orchestres et les pianos modernes». Sans aucun doute, les Kaul (prononcer Köhl) occupent-ils définitivement une place très importante parmi les grands de la lutherie de tous les temps!
Textes de Gilles Le Sage, v.p. et d.g. de FGL
bibliographie
Paul Kaul, La querelle des Modernes et des Anciens, Imprimerie de Bretagne, 1927
Jean Persyn, Paul Kaul et la Renaissance de la Lutherie, Imprimerie Taconis Leyde, 1934
Jean Chenantais, Le violoniste et le violon, Librarie Ancienne et Moderne, L. Durance, Nantes
Michel Winthrop, Paul Kaul, l’indépendant, tiré de L’Âme et la corde, no 1, mars - avril 1982 (p 6 et 23)
Juliette Bourassa-Trépanier, Arthur Le Blanc, virtuose de l’archet tiré de La revue d’histoire du Québec, vol. 5, no 2, 1989, Éditions Cap aux Diamants (p 51-54)
Pauline Achart, Fabrication d’un alto et d’un violon d’après Paul Kaul, DM2 2009/2010, Mirecourt